dimanche 6 octobre 2019

Chine :1949-2019 : comment les communistes ont sorti la Chine du sous-développement



1949-2019 : comment les communistes ont sorti la Chine du sous-développement© JASON LEE Source: Reuters
Les feux d'artifice lors des célébrations à Pékin
A l'occasion des 70 ans de la République populaire de Chine, le chercheur en philosophie politique et analyste des relations internationales Bruno Guigue livre son analyse des succès de ce pays et des défis auxquels il fait face.
Les médias occidentaux ont beau tenter d’occulter cette évidence, elle saute aux yeux : la Chine a accompli en 70 ans ce qu’aucun pays n’a réussi à faire en deux siècles. En fêtant l’anniversaire de la République populaire, proclamée par Mao Zedong le 1er octobre 1949, les Chinois savent quelle est la situation de leur pays. Mais ils savent aussi dans quel état il se trouvait en 1949. Dévasté par des décennies de guerre civile et d’invasion étrangère, c’était un champ de ruines.
«La Chine d’avant 1949, rappelle Alain Peyrefitte, c’est un pays du Moyen-Âge, (..) un pullulement de mendiants à moignons, d’enfants couverts de plaies, de cochons noirs et de chiens efflanqués ; des loques, parmi lesquelles se glissent quelques brocarts. Quand les éléments se fâchaient, la famine balayait tout. Les paysans étaient ruinés d’avance ; en cas de sécheresses ou d’inondations, ils ne disposaient pas de la moindre réserve» (Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera, 1973, T. 2, p. 85).
D’une pauvreté inouïe, le pays ne représente plus qu’une part infime du PIB mondial, alors qu’il en représentait 30% en 1820, avant que le déclin de la dynastie Qing et l’intrusion des puissances occidentales prédatrices, bientôt rejointes par le Japon, ne ruinent cette prospérité. Ravagés par la guerre, les digues et les canaux sont délabrés. Faute d’entretien, le réseau ferroviaire est dans un état lamentable. Nourrissant à peine le monde rural, l’agriculture est tragiquement sous-équipée.
Composée à 90% de paysans faméliques, la population a le niveau de vie le plus faible de la planète : il est inférieur à celui de l’Inde ex-britannique et de l’Afrique sub-saharienne. Sur cette terre où l’existence ne tient qu’à un fil, l’espérance de vie est comprise entre 36 et 40 ans. Abandonnée à son ignorance malgré la richesse d’une civilisation plurimillénaire, la population chinoise compte 80% d’analphabètes.
Aujourd’hui, l’économie chinoise représente 18% du PIB mondial en parité de pouvoir d’achat, et elle a dépassé l’économie américaine en 2014. La Chine est la première puissance exportatrice mondiale. Sa puissance industrielle représente le double de celle des Etats-Unis et quatre fois celle du Japon. Pourtant, l’endettement global du pays (dette publique et privée) est inférieur à celui des Etats-Unis (250% contre 360%) et sa dette extérieure est faible.
Première puissance créditrice, la Chine détient les réserves de change les plus importantes du monde (3 000 milliards de dollars). Premier partenaire commercial de 130 pays, elle a contribué à 30% de la croissance mondiale au cours des dix dernières années. La Chine est le premier producteur mondial d’acier, de ciment, d’aluminium, de riz, de blé et de pommes de terre. Avec 400 millions de personnes, les classes moyennes chinoises sont les plus importantes du monde, et 140 millions de Chinois sont partis en vacances à l’étranger en 2018.
Ce développement économique a amélioré les conditions d’existence matérielle des Chinois de façon spectaculaire. L’espérance de vie est passée de 40 à 64 ans sous Mao (de 1950 à 1975) et elle approche aujourd’hui 77 ans (contre 82 ans en France, 80 ans à Cuba, 79 ans aux USA et 68 ans en Inde). Le taux de mortalité infantile est de 7‰ contre 30‰ en Inde et 6‰ aux Etats-Unis. L’analphabétisme est quasiment éradiqué. Le taux de scolarisation est de 98,9% dans le primaire et de 94,1% dans le secondaire.
Encore plus significatif, le taux de pauvreté, selon la Banque mondiale, est passé de 95% en 1980 à 17% en 2010 et 3,1% en 2017. Xi Jinping a promis son éradication pour 2020. Selon Branko Milanovic, ancien économiste en chef à la Banque mondiale, l’apparition d’une énorme classe moyenne en Chine est la principale cause de la réduction des inégalités mondiales entre 1988 et 2008. En vingt ans, 700 millions de personnes ont été extraites de la pauvreté. Le salaire moyen a doublé, notamment sous l’effet de la mobilisation ouvrière, et les entreprises étrangères ont commencé à délocaliser leur activité à la recherche d’une main-d’œuvre moins coûteuse.
L’une des questions fondamentales du développement est celle de l’accès aux technologies modernes. La Chine de Mao a d’abord bénéficié de l’aide de l’URSS, mais elle a été interrompue en 1960 lors du schisme sino-soviétique. C’est pour régler ce problème crucial que Deng Xiaoping a organisé en 1979 l’ouverture progressive de l’économie chinoise aux capitaux extérieurs : en échange des profits réalisés en Chine, les entreprises étrangères y procéderaient à des transferts de technologie en faveur des entreprises chinoises.
En 40 ans, les Chinois ont assimilé les technologies les plus sophistiquées, et l’élève a dépassé le maître ! Aujourd’hui, la part de la Chine dans les industries de haute technologie atteint 28% du total mondial et elle devrait surclasser les Etats-Unis en 2021. Il est vrai que la Chine dispose de ressources humaines considérables. Elle envoie 550 000 étudiants à l’étranger et elle en reçoit 400 000. Dotée de 80 technopoles, elle est numéro un mondial pour le nombre de diplômés en sciences, technologie et ingénierie, et elle en forme quatre fois plus que les Etats-Unis.
Cette percée technologique du géant chinois va désormais de pair avec la transition écologique. Signataire de l’Accord de Paris sur le climat, la Chine est le premier investisseur mondial dans les énergies renouvelables. Elle possède 60% des panneaux solaires et 50% des éoliennes de la planète. 99% des bus électriques en service dans le monde sont fabriqués en Chine. Elle possède 50% des véhicules électriques et elle en fabrique trois fois plus que les Etats-Unis.
La Chine a aussi le réseau ferré à grande vitesse le plus grand du monde (30 000 km) et se fixe pour objectif de passer à 40 000 km. L’entreprise publique chinoise CRRC est numéro un mondial de la construction de TGV : elle fabrique 200 trains par an et travaille pour 80 pays. Enfin, la Chine a engagé la plus grande opération de reboisement de la planète (35 millions d’hectares). Prenant au sérieux la désastreuse pollution de l’atmosphère dans la région de Pékin, elle a réussi à y réduire de 50% les émissions de particules toxiques en cinq ans.
Ce développement spectaculaire de la République populaire de Chine est le résultat de 70 ans d’efforts titanesques. Pour y parvenir, les Chinois ont inventé un système sociopolitique original, mais que les catégories en usage en Occident peinent à décrire. Loin d’être une «dictature totalitaire», en effet, c’est un système néo-impérial dont la légitimité repose exclusivement sur l’amélioration des conditions d’existence du peuple chinois.
Organe dirigeant du pays depuis 1949, le Parti communiste chinois sait que la moindre déviation hors de la ligne du mieux-être collectif serait incomprise et provoquerait sa chute. Habitués à penser que la démocratie repose sur le rituel électoral, les Occidentaux ne comprennent pas ce système. D’ailleurs, ils ne voient même pas que leur «démocratie» s’accommode d’une désignation du président par les banques, alors qu’en Chine les banques obéissent au président.
Pour conduire le développement du pays, les communistes chinois ont bâti une économie mixte pilotée par un Etat fort. Son objectif prioritaire est la croissance, appuyée depuis les réformes de 1979 sur la modernisation des entreprises publiques dominant les secteurs-clé, la constitution d’un puissant secteur privé, le recours aux capitaux étrangers et les transferts de technologie en provenance des pays plus avancés. Contrairement à ce qu’on dit parfois, c’est Mao Zedong lui-même qui a initié ce processus en 1972, lorsqu’il a rétabli les relations avec les Etats-Unis.
Pour développer le pays, il fallait dîner avec le diable ! Manifestement, les communistes chinois ont appris à le faire. Mais ce rapprochement avec l’Occident capitaliste, ce «compromis acrobatique» visé à juste titre par certains marxistes, était un moyen et non une fin. Tout en justifiant l’ouverture économique, Jiang Zemin a rappelé en 1997 que la Chine ne perdait pas de vue l’édification du socialisme. C’est pourquoi l’Etat doit conduire le développement, la propriété publique rester dominante et le secteur financier demeurer sous contrôle.
Il y a deux siècles, la Chine était encore l’atelier du monde. Aggravant ses contradictions internes, l’impérialisme occidental a ruiné l’empire mandchou vieillissant. Les guerres du XXe siècle, à leur tour, ont plongé le pays dans le chaos. Aux yeux des Chinois, la République populaire de Chine a pour vertu d’avoir mis fin à ce long siècle de misère et d’humiliations qui commence en 1840 avec les «guerres de l’opium». Libérée et unifiée par Mao, la Chine s’est engagée sur la voie étroite du développement. D’une pauvreté aujourd’hui inimaginable, isolée et sans ressources, elle a exploré des chemins inconnus et tenté, avec le maoïsme, de transformer radicalement la société.
Plus précisément, le maoïsme se caractérise par la tentative, pour reprendre la terminologie marxiste, d’accélérer le développement des forces productives en misant sur la transformation révolutionnaire des rapports sociaux. Autrement dit, de généraliser la lutte des classes à l’intérieur du pays pour consolider le socialisme. Ce volontarisme a eu des effets positifs en contribuant à généraliser l’éducation, mais il a complètement échoué à stimuler l’économie. Contrastant avec l’accroissement démographique causé par les progrès sanitaires, l’effondrement de la production agricole a provoqué la catastrophe du «Grand bond en avant», qui fut responsable – avec les conditions climatiques et l’embargo occidental – de la dernière famine qu’ait connue la Chine (1959-1961).
Avec la Révolution culturelle, dont le point culminant fut atteint en 1966-68, Mao et les Gardes rouges décidèrent à nouveau de mobiliser les masses, mais contre le parti lui-même afin de l’empêcher de «restaurer le capitalisme» et de sombrer dans un «révisionnisme» de type soviétique. Cette révolution dans la révolution a rapidement rencontré ses limites. En cultivant l’effervescence idéologique d’une jeunesse fanatisée, elle a causé des violences inutiles et des destructions qui contrariaient l’effort de développement. Tournant à vide, cette agitation a généré un chaos qui appelait nécessairement sa négation, et l’Armée populaire de libération se chargea en effet d’y mettre un terme.
Dans une résolution adoptée en 1982, Le Parti communiste chinois a porté un jugement sévère sur cette expérience historique, qualifiée de «dérapage gauchiste», et il a progressivement engagé des réformes. Marxiste à sa façon, le «socialisme aux caractéristiques chinoises» défini en 1997 repose alors sur l’idée que le développement des forces productives est la condition indispensable de la transformation des rapports sociaux, et non l’inverse.
Comme l’écrit Jean-Claude Delaunay, «la révolution fut conçue par les fondateurs du marxisme comme un fruit devant être cueilli quand il serait mûr, et qui le serait en toute vraisemblance car le verger était fourni». Mais pour les communistes chinois, la révolution serait plutôt «le fruit d’un verger qu’il faudrait d’abord cultiver, puis faire grandir et tailler en conséquences». (Les trajectoires chinoises de modernisation et de développement, 2018, p. 283). En clair, le socialisme n’est pas le paupérisme ! Et pour engager la transformation des rapports sociaux, encore faut-il assurer un certain niveau de développement des forces productives.
Après avoir libéré et unifié le pays, aboli le patriarcat, réalisé la réforme agraire, amorcé l’industrialisation, doté la Chine du parapluie nucléaire, vaincu l’analphabétisme, donné aux Chinois 24 ans d’espérance de vie supplémentaire, mais aussi commis des erreurs tragiques dont le peuple chinois a tiré les leçons, le maoïsme a passé la main après 25 ans de règne (1950-1975). Ses successeurs ont alors tenu compte des inflexions de la vie internationale et tiré parti de la mondialisation, mais sans jamais lâcher le gouvernail. Forts des enseignements du passé, les Chinois ont multiplié leur PIB, industrialisé le pays, vaincu la pauvreté, et élevé le niveau scientifique et technologique du pays de façon inédite.
L’expérience historique de la République populaire de Chine est unique : c’est la réussite d’une stratégie de sortie du sous-développement à une échelle sans précédent, et sous la direction exclusive d’un parti communiste. Certes, les problèmes demeurent immenses (vieillissement de la population), les paradoxes stupéfiants (un socialisme avec des capitalistes), les fragilités non négligeables (fléchissement de la croissance). Mais la Chine de 2019 a l’intention de poursuivre le mouvement. Elle entend bâtir une «société de moyenne aisance», développer son marché intérieur, promouvoir la transition écologique. Il faudra se faire une raison : décidée à refermer la parenthèse de la domination occidentale, la Chine aspire à retrouver la place qui lui revient.



Source français . rt

samedi 5 octobre 2019

Irak:100 morts, 4 000 blessés : que se passe-t-il dans les manifestations contre l'exécutif irakien

titres à portée de main.

100 morts, 4 000 blessés : que se passe-t-il dans les manifestations contre l'exécutif irakien ?

100 morts, 4 000 blessés : que se passe-t-il dans les manifestations contre l'exécutif irakien ?© Wissm al-Okili Source: Reuters
Des hommes portent le cercueil d'un manifestant tué lors de manifestations antigouvernementales à Bagdad, en Irak, le 4 octobre 2019.

Si des journalistes accusent la police de tirer à balles réelles, le ministère irakien de la Défense fait état de «tireurs infiltrés dans la foule», qui veulent créer une sédition. La France a exprimé son soutien au Premier ministre Adel Abdel-Mahdi.
Selon un dernier bilan dressé ce 5 octobre par la Commission gouvernementale des droits de l'homme irakienne dans un communiqué, près de cent personnes, en grande majorité des manifestants, ont été tuées et plus de 4 000 blessées depuis le 1er octobre, début d'un mouvement de contestation en Irak. La plupart des manifestants tués l'ont été par balles, selon des sources médicales citées par l'AFP.
Au moins six policiers figurent également parmi les personnes tuées lors de ces manifestations antigouvernementales organisées à Bagdad et dans plusieurs régions du sud du pays à majorité chiite, selon des sources médicales et policières. En outre, quelque 500 personnes ont été arrêtées, une grande partie ayant ensuite été libérées.
Si le bilan est déjà très lourd, des questions se posent sur l'origine de ces tirs en direction des manifestants, comme en direction des forces de l'ordre.

Répression d'Etat ou main de l'étranger ? 

France 24, qui a une équipe sur place, parle de répression d'Etat, tandis que l'AFP fait état de tirs à balles réelles «très nourris» des forces de l'ordre. Le 3 octobre à Bagdad, «les blindés des forces spéciales repouss[aient] la foule, les forces de l'ordre tir[aient] sur le sol des balles qui ricoch[aient] sur les manifestants», selon le témoignage d'un photographe de l'AFP.
Le 4 octobre, au quatrième jour de ces manifestations qui touchent la capitale et une grande partie du sud du pays, des dizaines de personnes, certaines masquées, ont afflué dans le centre de Bagdad, où les forces de sécurité ont tiré à balles réelles à hauteur d'homme sur des protestataires, selon des journalistes de l'AFP.
Autre son de cloche du côté des autorités irakiennes, qui évoquent des tireurs non-identifiés se fondant au milieu des manifestants. Cité par le journal arabophone libanais Al-Akhbar, un porte-parole du ministère de la Défense, Tahsin al-Khafaji, évoque ainsi des «tireurs infiltrés dans la foule qui visent à la fois les manifestants et les forces de sécurité afin de créer une sédition».
Le journal arabophone cite en outre des «hauts responsables de la sécurité» sous couvert d'anonymat évoquant eux aussi la prolifération «de tireurs isolés inconnus» dans plusieurs quartiers de la capitale. Ces hauts responsables soulignent que les informations dont ils disposent font état de l'implication de l'ambassade des Etats-Unis et du consulat d'Arabie saoudite dans ces troubles. Ces sources auraient notamment assuré au média arabophone qu'«un certain nombre de détenus [arrêtés pendant les manifestations] avaient admis que l'ambassade des Etats-Unis et le consulat d'Arabie saoudite les avaient poussés à plusieurs reprises à semer la confusion dans la rue en prenant part aux manifestations pacifiques». Des informations qui ne sont pour l'heure pas confirmées officiellement par les autorités irakiennes.

Paris appelle à «faire la lumière» sur les violences et soutient le Premier ministre irakien

Dans une déclaration lourde de sens, la France a pour sa part réaffirmé ce 5 octobre son soutien au Premier ministre Adel Abdel-Mahdi pour ses efforts de «stabilisation» et de «reconstruction» du pays, appelant les autorités irakiennes à «faire la lumière» sur les événements.
«La France rappelle son attachement au droit de manifester pacifiquement ainsi que l’importance d’une réponse proportionnée des forces de sécurité ; elle encourage les autorités irakiennes à faire la lumière sur les circonstances des violences», a déclaré le porte-parole adjoint du ministère français des Affaires étrangères.
«Dans un pays longtemps meurtri par la guerre et le terrorisme, la France soutient les efforts du gouvernement irakien en matière de stabilisation, de reconstruction et de développement de services publics au bénéfice de l’ensemble de la population irakienne», a-t-il ajouté. «Elle salue la volonté du Premier ministre de répondre aux légitimes aspirations, à la dignité du peuple irakien, ainsi que sa détermination à asseoir l’autorité d’un Etat rassembleur et protecteur, dans le prolongement des efforts déjà accomplis», a-t-il poursuivi.

L'opposant Moqtada Sadr réclame la démission du gouvernement qui, lui, demande de la patience

Le 4 octobre, le très influent leader chiite irakien Moqtada Sadr a réclamé la démission du gouvernement d'Adel Abdel Mahdi, qui avait appelé les manifestants à la patience. «Pour éviter davantage d'effusion de sang irakien, le gouvernement doit démissionner et des élections anticipées doivent se tenir sous supervision de l'ONU», a dit ce poids lourd de la politique irakienne, dont la coalition compte quatre ministres au gouvernement.
Né d'appels sur les réseaux sociaux, le mouvement de contestation est le premier test pour le gouvernement d'Abdel Mahdi, en place depuis un an. Les manifestants, qui se disent non partisans, protestent contre la corruption, le chômage et la déliquescence des services publics.
Les autorités leur ont réclamé du temps pour mettre en place des réformes afin d'améliorer les conditions de vie des 40 millions d'habitants du pays ravagé par les guerres, le chômage et la corruption. Mais les protestataires semblent excédés : de nouvelles manifestations ont lieu ce 5 octobre à Bagdad.
Le Parlement irakien devait tenir à 13h locales une réunion après que son président, Mohammed al-Halboussi, a émis des propositions pour l'emploi des jeunes et de nouvelles aides sociales, et s'est même exclamé dans un élan : «Si rien n'est fait rapidement, je rejoindrais les manifestants».

L'Iran dans le collimateur

Au-delà des revendications sociales apparaît également un grief d'ordre géostratégique qui vise explicitement le voisin iranien. Le rejet de l'influence iranienne dans la politique irakienne semble en effet être un des leitmotiv des manifestants. Le quotidien libanais L’Orient-Le Jour rapporte à cet égard que les protestataires scandent : «L’Iran dehors !» dans les rues irakiennes, de Bagdad aux villes du sud.
Fanar Haddad, chercheur au Middle East Institute et à la National University de Singapour, interrogé par ce quotidien francophone, estime qu'«au cœur des protestations, il y a le mécontentement de la population vis-à-vis du système politique dans son ensemble». Or, selon lui, «l’un des garants principaux de ce système est l’Iran». «Les factions les plus puissantes au sein de la classe gouvernante sont liées à Téhéran ou soutenues par elle. Et c’est là que la colère contre le gouvernement converge avec la colère contre l’Iran», poursuit-il.
Ce 5 octobre, dans la matinée, les magasins ont ouvert à Bagdad après la levée à l'aube du couvre-feu instauré le 3 octobre. Mais internet est toujours bloqué. Des journalistes de l'AFP rapportent que de nombreux manifestants marchaient dans l'après-midi vers la place Tahrir, centre emblématique de la capitale irakienne.
L'Irak, sorti il y a moins de deux ans de près de quatre décennies de conflits, connaît une pénurie chronique d'électricité et d'eau potable.


Français. rt