La mutinerie enclenchée par les anciens rebelles assorties de la
prise en otage de l’État et le paiement d’une rançon de 100 milliards de
FCFA marque-t-elle le commencement de la fin pour le régime Ouattara?
Le moins qu’on puisse dire
est que l’État de grâce est terminé et la «ADO Solution» ne marche plus.
Mêmes les rebelles fanatisés à mort, qui ont donné leur sang pour la
cause de Ouattara ne croient plus en l’homme, encore moins à ses
promesses. Au cours des discussions, ils n’ont cessé de clamer : « Vous
nous avez trop menti, on veut notre argent maintenant ». Toute la
mystique qui entourait le chef de l’État auprès de ces jeunes gens
semble avoir fondu comme beurre au soleil. Ils ne sont pas les seuls
d’ailleurs, le désenchantement semble généralisé : les appels des
responsables RHDP à leurs militants de se désolidariser de la grève
générale des fonctionnaires sont tombés dans l’oreille de sourds.
Plus inquiétant la frilosité, voire le silence des intellectuels du
parti de la case à défendre la demeure en feu. Faut-il s’en étonner?
Assurément que non, la cause est indéfendable. D’abord, on ne peut pas
dans un État de droit, utiliser les moyens de l’État pour solder une
dette privée. Ensuite, toute dépense doit être budgétisée avant d’être
exécutée. Enfin, payer uniquement les anciens rebelles pose un grave
problème de justice sociale, de double standard, au sein même de
l’armée. Et de là à une injustice ethnique, le pas est allègrement
franchi, dans la mesure où les anciens rebelles sont quasi tous
ethniquement colorés. La décision de les payer consolide la division
dans l’armée sur des bases ethniques et constitue en soi la marque de
l’échec du pouvoir à construire cette armée républicaine tant recherchée
: les ministres de la Défense devraient en toute logique en tirer
toutes les conséquences. Mais, comme toujours ce sont les seconds
couteaux qui tombent. Rappelons-nous les détournements de fonds à
l’Université, le ministre (Cissé Bakongo) avait gardé son fauteuil
pendant que son directeur de cabinet était renvoyé. Les mêmes personnes
nous avaient promis faire toute la lumière sur cette escroquerie: encore
du vent (comme toujours), « ils ont bouffé pian et y a rien ».
Faut dire aussi que les intellectuels du RDR manquent
d’entrainements, eux qui n’ont jamais été consultés pour concevoir un
quelconque projet, méprisés qu’ils sont par le couple Ouattara-Bédié.
Contre Obama qui avance que l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts,
mais d’Institutions fortes, ces deux hiérarques, tous docteurs en
économie, ont dans la pratique défendu la thèse inverse : ils ont
parasité le fonctionnement de leurs partis respectifs (exemple, choix
autoritaire des candidats aux législatives) et minés le fonctionnement
des institutions de la république. Au lieu de l’Assemblée nationale ou
du conseil de ministre ou encore du conseil économique, les grandes
décisions d’État sont prises à deux, en toute illégalité, de façon
informelle. Le programme présidentiel d’urgence a volé toutes les
prérogatives du ministère du plan et des Infrastructures, les lois
d’ordonnance de Ouattara que rien ne justifie (le parlement acquis) et
les consignes fermes aux députés de ne pas discuter les lois (loi sur le
mariage et projet de constitution) ont enlevé à cette institution sa
raison d’être (discussion et amélioration des projets de loi), la
transformant en une vulgaire caisse de résonnance. Bref, les hommes
forts ont affaibli les institutions.
La méthode (à deux) favorise pourtant des erreurs, telle cette
nouvelle constitution (les grandes lignes ont été discutées et adoptées à
Paris, encore à deux, les mêmes, avant que la rédaction soit confiée
aux juristes). Il fallait effectivement être déconnecté de la réalité
pour créer un Sénat, alors que les étudiants ne perçoivent même pas
leurs bourses et que les futurs médecins du pays, ceux qui soigneront le
peuple, militants du RDR y compris, sont obligés de faire des travaux
pratiques théoriques, faute de matériels. Les mouvements d’humeur des
soldats et la grève des fonctionnaires doivent être interprétés comme
l’échec de ce gouvernement d’un seul ou plutôt de deux, ce qui ne change
rien à la dénomination de gouvernement autocratique. Mais, cela est une
vérité de Lapalisse aujourd’hui et même les analphabètes ont tout
compris. Jugez en vous-même par la teneur de cette conversation que j’ai
eue avec un des mutins, un de mes petits du quartier.
Conversation avec Madou Kafri, ancien tôlier à la ferraille d’Adjamé, niveau scolaire CE1, FRCI basé à Bouaké.
Moi : Allô, Madou, C’est comment à Bouaké
Madou Kafri : eh mon vieux! On est callé, on veut notre argent, c’est tout et puis ça va sortir
Moi : arrêtez ça, dans un État de droit, on ne…(Il me coupe la parole)
Madou : quel État de droit? Un État de merde wahi. Toi-même tu parles
on dirait tu n’es pas dans ce pays. Les gens là mentent trop. Les 5
millions d’emplois pour les jeunes, ca y est où? Ce n’est pas vous les
intellectuels qui avez dit que chose promise, chose due. Et puis vous
feriez mieux de régler vos problèmes. Toi tu es à l’Université! Depuis
cinq ans maintenant, tu as bibliothèque? Les livres coutent combien
devant ses voyages (voyages du président), un deux, trois il est parti,
un deux trois il est parti. Restez là à dormir, ils vont se partager le
peu qui rentre, entre eux. Avec le sénat, qui vient là, vous allez voir.
Tu me parles d’État de droit, toi là on dirait quelqu’un qui n’est pas
allé à l’école : c’est normal que lui seul, il écrive une constitution
sans consulter le peuple ? Dans quel pays tu as vu ça? Grand frère je te
respecte, mais si c’est pour dire des conneries faut plus m’appeler.
Moi : han! Mon petit c’est comme ça tu me parles. Pardon oh, réglez votre histoire.
La morale de cette conversion, on peut tromper le peuple un jour,
mais pas tout le peuple toujours. Il n’est pas trop tard, le
gouvernement Gbon devra manœuvrer dur, peut être opérer un virage à cent
à l’heure et non la continuité comme promise. Le désaveu est profond,
ce serait mal interpréter les signaux que de persévérer dans la même
voie. Ce serait risquer une fin inéluctable. Le roi est nu et sa nudité
est visible de tous.
Le charme qui le dissimulait a perdu sa puissance. Il faut y remédier
en toute urgence. Nous sommes certainement au début d’un épilogue :
peut-être celle d’un homme (Ouattara) ou d’un régime (RDR, RHDP),
affaire à suivre…
SOURCE :connectionivoirienne