Hier, mercredi 16 novembre, a eu lieu à la Haye l'ouverture de la 15e
Assemblée des Etats parties au statut de Rome. Il faut rappeler que
celui-ci, une fois ratifié et signé, place un Etat sous la juridiction
de la Cour pénale internationale (CPI), opérationnelle depuis 2003. En
temps normal, cette Assemblée se serait passée, peut-on dire, dans
l'anonymat puisque d'habitude, elle donne l'occasion de faire le bilan
annuel des activités de la CPI, d'avaliser son budget et d'évoquer les
perspectives. Mais cette fois-ci, le contexte risque de déteindre
négativement sur la sérénité des débats. En effet, la bande des 3,
c'est-à-dire la Gambie, le Burundi et l'Afrique du Sud, dont les
dirigeants ont annoncé leur intention de se retirer du statut de Rome, à
la grande indignation des démocrates d'Afrique, pourrait profiter de
cette tribune, à coups d'apartés mesquins, pour débaucher d'autres
membres africains à l'effet d'élargir leur cercle. Et comme pour ne
rien arranger, la Russie de Vladimir Poutine a décidé de leur emboîter
le pas en estimant que la CPI n'est pas juste et équitable dans ses
décisions. Les arguments qu'ils ne manqueront pas de brandir pour
rallier à leur cause, certains Etats qui sont encore parties au statut
de Rome, peuvent facilement être imaginés. Toute honte bue, ils
qualifieront à l'unisson la CPI d'institution néocoloniale et de justice
de Toubab pour humilier les Africains. Et les esprits faibles
pourraient se laisser séduire par de telles arguties.
Tout espoir n'est pas perdu
En effet, sur dix enquêtes de la CPI ayant débouché sur des
inculpations, neuf concernaient des crimes commis en Afrique. Cette
statistique sert de fondement à leur argumentaire tendant à se faire
passer pour les défenseurs de la dignité et de l'honneur de l'Afrique.
Cette logique, de toute évidence, relève de l'imposture et de la
mauvaise foi. Et sur ce point, les anti-CPI sont en parfaite harmonie
avec la ligne officielle affichée par l'Union africaine (UA). L'on se
souvient, en effet, que la panafricaine des têtes couronnées avait
appelé récemment, lors d'un de ses sommets, à un retrait en masse des 34
pays africains membres de la Cour. Cette attitude du syndicat des chefs
d'Etat africains n'avait pas surpris outre mesure. Car, le divorce
entre l'UA et les peuples africains a été consommé, il y a longtemps.
Mais tout espoir n'est pas perdu, puisqu'en dépit de cet appel, les
populations peuvent se réjouir du fait que certains présidents, en
raison de leur hauteur de vue, ont refusé, de manière ferme, d'associer
le nom de leur pays à ce complot ourdi par une poignée de présidents
indélicats contre la CPI. Et c'est ce refus éclairé de se joindre à ce
mouvement grégaire qui a contribué à sauver pour le moment la CPI. Les
Africains épris de paix, de justice et de démocratie, doivent rendre
hommage à tous les présidents qui ont travaillé à faire capoter l'idée
d'un retrait en masse des 34 Etats parties au statut de Rome. En effet,
la vraie question que les détracteurs de la CPI devraient se poser, est
de savoir si oui ou non les inculpations dont ont déjà fait l'objet les
Africains par le tribunal de La Haye, sont fondées. A cette bonne
question et pour peu que l'on soit habité par une conscience, on ne peut
que répondre par un oui franc et fort. Ce qui donne plus de vigueur à
cette réponse, c'est que toutes les enquêtes ou presque, ont été
ouvertes par la CPI à la demande des pays africains concernés. Les cas
du Congolais Jean-Pierre Bemba et des Ivoiriens Blé Goudé et son mentor,
le Christ de Mama, Laurent Gbagbo, peuvent être cités à titre
d'illustration.
Les peuples d'Afrique ne doivent pas se tromper de combat
Il n'est pas superflu de rappeler aussi que ce n'est pas avec le
pistolet sur la tempe que les 34 pays africains avaient adhéré au statut
de Rome. Et quand tout un Etat pose un tel acte en toute conscience, il
doit avoir le courage de l'assumer pleinement. C'est ce message que
tous les gens de bien doivent adresser à tous ceux qui font des pieds et
des mains aujourd'hui pour soustraire leurs pays respectifs de la CPI,
au prétexte que celle-ci est un instrument au service des Blancs pour
rouler dans la boue l'Afrique. Un contre-discours par conséquent
s'impose. Et l'idéal serait qu'il soit porté par les organisations de la
société civile africaine. L'erreur serait de croire au projet de
l'institution d'une Cour pénale de l'UA. En effet, si un tel projet
venait à voir le jour, la probabilité est forte que cela ne vienne
conforter l'impunité dont jouissent déjà les princes qui nous
gouvernent. Car, il faut le dire, le principe de l'indépendance de la
Justice reste encore un mythe dans bien des pays africains. Dans ces
conditions, les peuples d'Afrique ont tout à craindre de la mise en
place d'une Cour pénale de l'UA. D'ailleurs, l'on peut se poser la
question de savoir qui va financer une telle institution. Ce n'est
certainement pas les Etats africains ; eux dont la majorité est
atteinte par le virus qui consiste à toujours tendre la sébile aux
autres pour faire fonctionner leurs propres institutions. L'exemple le
plus parlant à ce sujet est l'UA elle-même. Un autre exemple qui peut
être également évoqué est le cas des Chambres spéciales africaines, du
nom de cette juridiction qui s'était occupée de l'affaire Hissène Habré.
N'eût été la générosité de la communauté internationale, le despote
tchadien n'aurait jamais été jugé. Et avec tout cela, il se trouve
encore des gens sous nos tropiques, qui ont encore l'indécence de tirer
à boulets rouges sur la CPI. En tout état de cause, les peuples
d'Afrique ne doivent pas se tromper de combat, en souscrivant aux
arguments développés par les satrapes pour saborder la CPI. La vérité
est que cette institution les empêche de donner libre cours à leur
instinct de tueurs. Mais, en même temps qu'il faut s'attaquer aux
fossoyeurs de la CPI sous nos tropiques, il faut aussi avoir le courage
de signifier au tribunal de La Haye qu'il doit profiter de cette 15e
Assemblée pour faire son introspection, de manière à se positionner
comme un instrument véritablement au service de la justice
internationale. Car, comparaison n'est pas raison certes, mais quand
l'on observe certains agissements des grands de ce monde, dans des pays
comme l'Afghanistan, l'Irak ou la Syrie, l'on peut être choqué de
savoir que les dirigeants qui sont derrière ces actes, ne sont pas
inquiétés par la CPI. L'on pourra rétorquer que cela est dû au fait que
ces pays ne sont pas signataires du traité de Rome. C'est justement à ce
niveau que doit se poser la réflexion de manière à ce qu'aucun pays ne
s'abrite derrière sa puissance économique et militaire et la force de
son statut à l'ONU, pour commettre en toute impunité des actes dont
certains pourraient être constitutifs de crimes contre l'humanité ou
encore de crimes de guerre. C'est la prise en charge de tous ces crimes
par la CPI, entre autres, qui peut contribuer à ôter tout argument aux
satrapes d'Afrique qui veulent obstinément pourfendre l'institution de
La Haye.
SOURCE :lebanco

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