Si le « OUI » l’emporte massivement lors du référendum sur la constitution, comment interpréter cette victoire ?
La campagne pour le « OUI »
au référendum sur la nouvelle constitution a commencé le samedi 22
octobre. Les Ivoiriens voteront le dimanche 30 octobre. Tous les observateurs annoncent une victoire massive du « OUI », mais aussi une forte abstention.
Cette victoire s’explique pour trois
raisons : d’abord, Alassane Ouattara et la coalition au pouvoir ont
montré leur capacité à redresser le pays et instaurer une réelle
stabilité politique ; ensuite, les Ivoiriens considèrent que les
orientations prises par le gouvernement vont dans le bon sens, même
s’ils n’en voient pas, tous, les effets immédiats ; enfin, l’opposition,
totalement discréditée, n’a rien à dire, ni à proposer, si ce n’est le
boycott des élections, des dérapages verbaux et la promesse d’un brusque
retour en arrière.
Si la victoire semble
inéluctable, il faut alors observer plusieurs choses : le nombre des
abstentionnistes, le rééquilibrage des forces au sein de la coalition et
l’état d’esprit des Ivoiriens.
- Le nombre des abstentionnistes– Ce nombre sera très élevé. Il faut y voir ni les effets de l’appel au boycott, les électeurs n’obéissent pas aux injonctions des derniers retardataires de l’Histoire, ni un rejet de la politique du gouvernement. Même si on peut le regretter, le débat sur la Loi fondamentale reste, pour les Ivoiriens, totalement abstrait, loin de de leurs préoccupations au quotidien.
- Le rééquilibrage des forces au sein du RHDP – Pour justifier la création du poste de Vice-président, Ouattara affirme ne pas vouloir gouverner seul. Il souhaite partager le pouvoir. Tout le monde aura compris que le Vice-président nommé en 2017 sera un PDCI. Inscrit dans une vision prospective, le ticket RDR/PDCI, pour gouverner, prépare en réalité déjà 2020. Ce ticket, selon Ouattara, permettra de préserver la stabilité politique. La nomination d’un Vice-président PDCI en 2017 est, en quelque sorte, une manière de préparer les deux grands partis ivoiriens à ce mode de gouvernance sans attendre l’élection présidentielle de 2020. Qui osera transgresser, dans l’avenir, cette règle du ticket RDR/PDCI, qui donne aux deux grands partis l’avantage de l’unité sur une opposition morcelée ? Si Ouattara nomme un Vice-président RDR, ce qui est impossible, il en serait fini de l’unité nationale. Ne soyons pas dupe : un « Chef », c’est fait pour « cheffer », disait Jacques Chirac. Ouattara reste le « Chef », il n’est pas question de partage du pouvoir, mais d’une concertation plus large au sein du RHDP. Sur certains sujets, comme le foncier, cette concertation doit s’ouvrir à l’opposition.
- L’état d’esprit des Ivoiriens – Si les Ivoiriens comprennent l’enjeu que représente la promulgation d’une nouvelle constitution, ils ont le sentiment que les débats qui concernent tel ou tel article, les arguties politico-juridiques des uns, l’appel à la défense de la démocratie des uns et des autres avec des arguments contraires, n’ont qu’une fonction : permettre à la classe politique d’exister et aux commentateurs politiques de commenter. Mais tout cela leur semble loin des réalités du quotidien. Qui parle de la constitution ? Les élites, les partis politiques. Qui parle de la nouvelle constitution dans la rue ? Personne. Qui se plaint de la cherté de la vie ? Des hausses des factures d’électricité ? Le peuple. Comme tous les peuples du monde, les Ivoiriens portent désormais sur la classe politique un regard de défiance. La victoire du « Oui » lors du référendum sur la constitution et celle du RHDP lors des prochaines législatives leur semblent aller dans le bon sens. Jusqu’à quand ? A l’évidence, jusqu’en 2020 et au-delà si l’unité perdure au sein du RHDP. Mais être élu ou réélu, ce n’est rien ; il faut ensuite gouverner. L’ « Ivoirien nouveau » va sûrement naître, le redressement du pays et la nouvelle constitution vont le permettre. En attendant, l’ « Ivoirien ancien » se débat tous les jours dans les difficultés de la « vraie vie ».
La réussite d’Alassane Ouattara est,
pour tous les observateurs, et pour les Ivoiriens eux-mêmes, une
évidence, ce que viendra d’abord confirmer l’écrasante victoire du
« OUI » le 30 octobre, puis une majorité RHDP qui sortira des urnes lors
des législatives, même si l’opposition participe aux élections.
Ouattara a besoin de ces deux victoires pour accomplir son dernier
mandat. Enfin débarrassé de l’obstacle que représente une élection et
sachant qu’il va rendre son mandat de Président le lundi matin qui
suivra l’élection du nouveau Président de la République en 2020, il
peut, de 2017 à 2020, accomplir les réformes dont le pays a besoin pour
atteindre l’émergence. Le pays qu’il veut laisser en 2020 sera-t-il en
ordre de marche ? Stabilité politique, réconciliation nationale,
croissance inclusive sont-elles devenues des réalités palpables ? Tout
dépend de la nature du débat politique qui va s’ouvrir, au sein du RHDP,
dès 2019, pour la succession d’Alassane Ouattara. Les Ivoiriens
attendent un débat serein, apaisé. La classe politique traditionnelle en
est-elle capable ? A côte de l’ « Ivoirien nouveau », la Côte d’Ivoire et l’Afrique ont besoin que surgisse l’ « homme politique nouveau ».
La nouvelle Constitution se nourrit à la
fois de l’expérience du passé dans le droit fil de l’héritage
d’Houphouët-Boigny qui prônait une identité ouverte, et elle s’inscrit
dans une vision prospective de l’Histoire avec des avancées dans tous
les domaines, pour les femmes et les jeunes en particulier. Le En 2020,
Ouattara aura à affronter deux jugements : celui des Ivoiriens, qui
analyseront ses dix ans de mandat, et celui de l’Histoire. En revanche, ses successeurs auront à affronter le jugement des électeurs ? Seront-ils prêts ?
SOURCE :politikafrique
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